Aller au contenu principal
Rouen et ses ruines

Rouen et ses ruines

Auteur : ANONYME

Lieu de conservation : Le Mémorial de Caen (Caen)
site web

Date de création : août-44

Date représentée : août-44

H. : 17,7 cm

L. : 12,6 cm

tirage argentique

© Mémorial de Caen

http://www.memorial-caen.fr

29045 - MEMO_PHOT_00678

Rouen en ruines

Date de publication : Septembre 2014

Auteur : Alexandre SUMPF

Rouen sous les bombes

Hormis quelques pilonnages allemands en 1940, la ville de Rouen a essentiellement été la cible de l’aviation alliée. Déjà bombardée par les armées de l’air anglaise et américaine en septembre 1942 et en septembre 1943, la cité subit plusieurs vagues de feu d’importance en 1944. Après le 19 avril, une opération d’envergure destinée à gêner la retraite allemande et à favoriser l’avancée des troupes (qui doivent être permises par le Débarquement) est menée du 30 mai au 5 juin. Lors de cette « semaine rouge » l’agglomération est lourdement touchée : hormis les cibles militaires (ponts sur la Seine, port et gares de triage), le patrimoine architectural (cathédrale, églises, palais de justice, etc.) et les infrastructures sont aussi gravement touchés.

Le 25 août, enfin, l’aviation alliée bombarde massivement l’armée du général von Kluge, en retraite après avoir échappé à l’encerclement de Falaise. Quand la ville est libérée le 30 août, elle est assez largement détruite comme le montre la photographie Ruines de Rouen, vraisemblablement prise à ce moment. On estime à près de 3000 le nombre de civils rouennais qui auraient été tués lors de ces attaques alliées.

Largement diffusées, les images des ruines de Rouen ont une valeur documentaire mais aussi une portée politique et symbolique, différente selon le camp dans lequel on se place (allemand, français, alliés).

Une ville éventrée

Prise en août 1944 dans le cadre d’un photoreportage, Ruines de Rouen montre la ville à partir du clocher de la cathédrale (elle-même encore debout mais très endommagée). La vue d’ensemble offre tout d’abord l’impression d’une cité éventrée, puisque c’est bien le creux central qui frappe d’abord le regard du spectateur. En effet, la béance laissée par les bombes semble plutôt soulignée que contredite par les édifices qui restent debout, plus nombreux au second plan. Si l’on distingue en effet une ville un peu moins touchée plus loin, le contraste (entre le plein et le vide, entre le sombre des bâtiments et la blancheur du champ de ruines) n’en est que plus marqué.

De même, si l’on se penche sur le détail des bâtiments détruits visibles au centre et sur la gauche du cliché, on aperçoit qu’ils sont comme vidés. Les pans de murs ou des armatures métalliques désormais inutiles qu’ils laissent subsister donnent ainsi une impression squelettique et presque fantomatique. Au sol, on devine un champ de gravats où quelques volumes saillent encore, plus menaçants que rassurant.

Même si la hauteur où se place le photographe peut aussi expliquer ce point, on est aussi marqué par l’absence de toute trace humaine. Nulle activité, nul véhicule, nul attroupement ne viennent nuancer ce spectacle de désolation, de désert et de ruines.

Le prix de la liberté ?

L’auteur de Ruines de Rouen est vraisemblablement un photographe lié à l’armée alliée, même s’il pourrait aussi s’agir d’un reporter français plus indépendant autorisé à occuper ce point de vue. A l’instar des nombreuses images de la ville détruite, le cliché entend d’abord témoigner de la violence des combats qui ont marqué Rouen entre avril et août 1944 ainsi que des destructions qui en ont résulté.

Au-delà de cette valeur documentaire, Ruines de Rouen a aussi une portée symbolique ambivalente qui peut être interprétée différemment. Pour les alliés, la photographie peut évoquer la puissance de frappe d’une armée en marche vers la victoire. La destruction de la ville ne renvoie pas alors aux victimes civiles ou à la perte d’un patrimoine, mais à l’anéantissement de l’armée nazie en déroute qui s’y était réfugiée.

Pour les nazis et les collaborateurs elle peut être utilisée (comme des images plus anciennes de villes bombardées par les alliés) pour montrer aux populations encore sous contrôle allemand à cette date que les « libérateurs » sont des criminels bien pires que « l’occupant » ami.

Pour les Français fraichement délivrés du joug nazi, enfin, elles posent la difficile question du prix de la liberté. Les Ruines de Rouen (comme celles du Havre ou de Caen) évoquent en effet tout ensemble le chaos et la renaissance, la destruction et la reconstruction à venir, le malheur et l’espoir, la mort et la joie.

AZÉMA Jean-Pierre, Nouvelle histoire de la France contemporaine : de Munich à la Libération (1938-1944), Paris, Le Seuil, coll. « Points : histoire » (no 114), 1979.

PESSIOT Guy, Histoire de Rouen (1939-1958) : la guerre 39-45 et la reconstruction en 900 photographies, Rouen, Éditions du P’tit Normand, coll. « Histoire de Rouen par la photographie » (no 3), 1983.

VALLA Jean-Claude, La France sous les bombes américaines (1942-1945), Paris, Librairie nationale, coll. « Les cahiers libres d’histoire » (no 7), 2001.

WIEVIORKA Olivier, Histoire du débarquement en Normandie : des origines à la libération de Paris (1941-1944), Paris, Le Seuil, coll. « L’univers historique », 2007.

Alexandre SUMPF, « Rouen en ruines », Histoire par l'image [en ligne], consulté le 29/03/2024. URL : histoire-image.org/etudes/rouen-ruines

Ajouter un commentaire

HTML restreint

  • Balises HTML autorisées : <a href hreflang> <em> <strong> <cite> <blockquote cite> <code> <ul type> <ol start type> <li> <dl> <dt> <dd> <h2 id> <h3 id> <h4 id> <h5 id> <h6 id>
  • Les lignes et les paragraphes vont à la ligne automatiquement.
  • Les adresses de pages web et les adresses courriel se transforment en liens automatiquement.
CAPTCHA
Cette question sert à vérifier si vous êtes un visiteur humain ou non afin d'éviter les soumissions de pourriel (spam) automatisées.

Mentions d’information prioritaires RGPD

Vos données sont sont destinées à la RmnGP, qui en est le responsable de traitement. Elles sont recueillies pour traiter votre demande. Les données obligatoires vous sont signalées sur le formulaire par astérisque. L’accès aux données est strictement limité aux collaborateurs de la RmnGP en charge du traitement de votre demande. Conformément au Règlement européen n°2016/679/UE du 27 avril 2016 sur la protection des données personnelles et à la loi « informatique et libertés » du 6 janvier 1978 modifiée, vous bénéficiez d’un droit d’accès, de rectification, d’effacement, de portabilité et de limitation du traitement des donnés vous concernant ainsi que du droit de communiquer des directives sur le sort de vos données après votre mort. Vous avez également la possibilité de vous opposer au traitement des données vous concernant. Vous pouvez, exercer vos droits en contactant notre Délégué à la protection des données (DPO) au moyen de notre formulaire en ligne ( https://www.grandpalais.fr/fr/form/rgpd) ou par e-mail à l’adresse suivante : dpo@rmngp.fr. Pour en savoir plus, nous vous invitons à consulter notre politique de protection des données disponible ici en copiant et en collant ce lien : https://www.grandpalais.fr/fr/politique-de-protection-des-donnees-caractere-personnel

Partager sur

Découvrez nos études

Le débarquement de Normandie – 6 juin 1944

Le débarquement de Normandie – 6 juin 1944

Opération « Overlord »

C’est au cours de l’année 1943 que les Anglais, les Américains et les Canadiens décident de lancer une opération de grande…

Le débarquement de Normandie – 6 juin 1944
Le débarquement de Normandie – 6 juin 1944
Le débarquement de Normandie – 6 juin 1944
Le débarquement de Provence

Le débarquement de Provence

La guerre sous tous les angles

Ces trois photographies ont été prises lors du débarquement en Provence, en août 1944. Du ciel, du sol ou de la mer…

Le débarquement de Provence
Le débarquement de Provence
Le débarquement de Provence
L’enfant juif de Varsovie

L’enfant juif de Varsovie

La photographie no 14 de l’album du S.S. Jürgen Stroop

La photographie anonyme « Arrestation dans le ghetto de Varsovie » a été prise…

Vichy et la propagande

Vichy et la propagande

La Ligue française anti-britannique et les événements de Dakar.

Du 23 au 25 septembre 1940, les Forces françaises libres du Général de Gaulle…

Les <i>Stukas</i>, une arme nouvelle aux mains des nazis

Les Stukas, une arme nouvelle aux mains des nazis

L’essor de la Luftwaffe

Dès l’arrivée d’Adolf Hitler au pouvoir le 30 janvier 1933, le réarmement de l’Allemagne est engagé. La constitution d’…

Les <i>Stukas</i>, une arme nouvelle aux mains des nazis
Les <i>Stukas</i>, une arme nouvelle aux mains des nazis
Vichy et ses ennemis

Vichy et ses ennemis

L’affiche de propagande.

Très prisée pour la promotion de la Révolution Nationale, l’affiche de propagande connaît une diffusion et une…

Bruno Lohse et Hermann Goering

Bruno Lohse et Hermann Goering

Le marché de l’art à Paris sous l’Occupation

Le fait est avéré, pour ne pas dire indéniable : le marché de l’art à Paris sous l’occupation…

La bataille de Berlin

La bataille de Berlin

Quand l’Armée Rouge prend Berlin.

Ultime combat mené contre la Wehrmacht, la Bataille de Berlin qui se déroule du 16 avril au 2 mai 1945 achève…

La bataille de Berlin
La bataille de Berlin
La bataille de Berlin
La libération de Paris : derniers combats

La libération de Paris : derniers combats

La place de la Concorde, un « nid de résistance allemande »

Effectuée du 19 au 25 août 1944, la libération de Paris est le résultat conjoint de l’…

Rassemblements contre les acquittements de Nuremberg

Rassemblements contre les acquittements de Nuremberg

Le cliché pris en octobre 1946 à Berlin dans la zone soviétique est à situer dans un double contexte que reflètent les deux banderoles sur la façade…